Depuis 10 ans l’Égypte mène un programme de réaménagement autour des sites pharaoniques qui nécessite la plupart du temps la destruction de quartiers d’habitation. Le projet global passe donc par la construction de nouveaux quartiers et parfois même de nouvelles villes pour déplacer les populations dont les maisons doivent être rasées.

Ce travail donne à voir un exemple de ces villes sortant de terre aux frontières du désert. Il s’agit de Gourna el Gedida (la nouvelle Gourna), ville qui se situe à deux kilomètres de la Vallée des Rois, un des sites touristiques les plus visités au monde. Au sommet d’un terre-plein protégeant des inondations lors des rares mais violentes pluies, la ville est tout équipée avec écoles, mosquées, marchés, relais postal, poste de police.

Nous avons articulé notre approche de ce site en trois parties. La première série, en noir et blanc, a été réalisée par Clément Apffel et Lucie Moraillon en mars 2008 à la chambre grand format. Ces photographies de squelettes de maisons à différentes étapes de construction introduisent la nouvelle ville et son paysage et saisissent la nature particulière de cet habitat construit par l’état égyptien.

La ville porte en elle la trace des installations progressives de ses habitants qui ont investi leurs nouveaux foyers en y apportant des modifications à la mesure de leurs moyens financiers. Ainsi, les maisons à l’origine toutes identiques portent cette double indication de temps et d’argent. Ces changements et adaptations de l’habitat de la nouvelle ville ont été le sujet de la deuxième série de photographies, réalisée par Clément Apffel en février 2009, là aussi à la chambre photographique, mais cette fois en couleur.

Les habitants de la nouvelle Gourna sont le sujet de la troisième et dernière partie de notre travail, réalisée par Lucie Moraillon en février 2009. L’humain est le centre de cette série. Comme il devrait être le centre de la ville et de son urbanisme. Le décor de désert a été un moyen de mettre en contraste la résilience et les facultés d’adaptation des habitants face à cet environnement hostile. Ils et elles sont le centre de notre travail. Tout est articulé autour d’eux car une ville ne vaut la peine d’être évoquée que par la présence de ses habitants.

Pour chacune des séries de photographies, une ambiance la représentant a été conçue et enregistrée sur les lieux même des photographies par Malo Thouément. Ainsi, deux paysages sonores alimentent et lient les images des deux travaux réalisés à la chambre grand format. Et une série de portraits sonores sous la forme d’interview accompagne le spectateur lors de sa découverte des habitants.

Dans ce dernier cas, bien plus qu’un liant, le son est le moyen de faire entendre ceux et celles des habitants qui ont accepté de nous parler de leur nouvelle ville sous couvert de l’anonymat. Augmenté de la bande sonore, notre travail documentaire gagne en pouvoir immersif et offre un paysage plus complet du lieu dont nous avons choisi de parler.