C’est la violence la plus invisible à laquelle nous faisons face dans notre quotidien. Les motifs de l’architecture qui composent notre environnement disparaissent très vite, effacés par l’éteignoir de l’habitude. Le citadin ne voit plus les formes dans lesquelles il évolue, il les oublie en acceptant la ville que l’on construit pour lui et sur laquelle il croit ne pouvoir avoir aucune influence.
Mais pourtant, la violence de ces motifs est réelle. Il suffit pour la voir de s’arrêter, de regarder avec un œil vierge la ville qui nous entoure. Il ne s’agit pas ici d’un bâtiment désaffecté mais du rez-de-chaussée d’un immeuble en plein centre ville de Lyon habité par des centaines de personnes qui tous les jours passent dans ce lieu. Il est ouvert aux quatre vents, avec d’un côté la rue et de l’autre côté un petit jardin de ville.
Soudain mis face aux motifs de ce bâtiment, nous nous arrêtons sur ces formes que nous ne voyons plus, sur les éléments de base de l’architecture commune de nos maisons et de nos immeubles. Ils prennent alors une dimension inédite. De ces blocs de béton communs, laids, anecdotiques émane soudain une cohérence, un certaine beauté hypnotique. Nous nous attardons sur le grain du sable, sur les étranges et sibyllins rectangles de peinture, sur les taches, fissures, saletés qui tous ensemble forment la texture d’une œuvre d’art abstraite et absurde mais dont la froideur et la violence est soudain révélée.
Rendues visibles par leur juxtaposition et leur répétition dans un traitement photographique neutre, ces structures abstraites et invisibles se remettent à nous parler. Se pose la question de ce que nous acceptons tous les jours dans notre environnement au sens large. Et émerge l’idée que nous devons réinvestir de notre présence les questions affectant nos vies, nos quotidiens et notre environnement.